30 décembre 2009

... sans trois !

La marmotte accueillante
Me voilà donc, échevelée et dépenaillée, à 4 h 30 du matin, toujours aussi fâchée de la subite et surprenante défection de mon amant d'un soir. Ma discussion avec Alexandra n'a pas suffit à me calmer et je ressens encore un violent besoin de m'épancher. Une seule solution : écrire. Je m'installe à mon bureau, ouvre mon ordinateur et entreprends de me vider le coeur et la tête en pianotant prestement sur le clavier. Les mots déferlent sur l'écran, inondant la page virtuelle d'un flot d'incrédulité, d'amertume, de tristesse. Mais mon inspiration se tarit bientôt, aussi intense et brève qu'un orage tropical. Dans un dernier sursaut de révolte, je décide d'aller crier mon infortune sur mon site de socialisation préféré en me dotant d'un statut approprié.

Alors que je m'affaire à trouver une formulation significative sans être trop révélatrice, je constate que l'un de mes amis, aussi noctambule que moi, est en ligne. Je clique sur l'icône et vois apparaître le nom d'un de mes ex que je n'ai pas vu depuis 11 ans mais avec qui j'ai récemment renoué dans le monde virtuel. Je l'aborde aussitôt et, évidemment, me mets rapidement à lui raconter mes récents déboires dans un langage ponctué de jurons bien sentis et d'expressions qui, comme le dit si bien ma mère, ne conviennent pas à la bouche d'une jeune fille. Dans un magnifique élan de compassion, le gars se porte volontaire pour me consoler et me donne son adresse. Et moi, en grande aventurière de la nuit perdue et encore grise de tout l'alcool que j'ai bu, je décide d'accepter son invitation. Après un bref passage sous la douche, je saute dans un taxi et pars vers l'inconnu.

Il est presque 5 h 30 du matin lorsque je débarque devant un duplex un peu glauque situé près d'un viaduc dans un quartier semi-industriel. Mon ancien copain est là, sur le seuil de son appartement, et me fait signe de la main. Je le suis dans les escaliers, soudainement assaillie par la gêne. Plus d'une décennie sépare cette rencontre de la dernière et je crains que mes courbes plus généreuses et mes quelques rides ne le rebutent. Il ne semble pas plus à l'aise que moi, rougissant de sa taille plus épaisse qu'aux temps de nos amours. Pour dissiper le malaise, il me fait un bref tour du propriétaire. Puis, après quelques minutes de discussion dans son salon, il me propose de passer au lit parce qu'il tombe de sommeil. Je me glisse donc à ses côtés sous la couette, en t-shirt et en slip. Afin de masquer mon inconfort, je bavarde comme une pie, alignant toutes les histoires absurdes qui me sont arrivées depuis que j'évolue dans la jungle du célibat. Il s'esclaffe à chaque fois et me demande dans quel univers je vis. J'avoue que, racontées les unes après les autres, mes anecdotes donnent l'impression que mon existence est une comédie sentimentale douteuse qui se mériterait un beau sept dans le téléhoraire.

Pendant que je le divertis avec mes aventures rocambolesques, il tente quelques rapprochements timides. L'une de ses mains s'empare de mon sein droit puis descend jusqu'à ma cuisse en passant par mon ventre. Un peu plus tard, alors que je lui tourne le dos, il en profite pour redécouvrir mon postérieur, retrouvailles qui me valent des compliments sur son incroyable fermeté. Je ris, à la fois flattée et embarrassée. Je lui avoue que je ne me rappelle plus du tout à quoi ressemble sa queue. Il m'invite à renouer avec elle. Je plonge donc ma main sous les draps et m'exclame lorsqu'elle se pose directement sur sa bite, droite et solide comme un phare. Je la caresse légèrement, m'extasiant sur sa taille parfaite, mais cesse bientôt, ne me sentant pas d'attaque pour me lancer dans une manoeuvre complète. Alors que la nuit cède peu à peu aux assauts du jour, nous nous endormons, sans nous être embrassés et sans avoir poussé l'exploration plus loin que ces quelques tâtonnements pudiques.

Trois heures plus tard, je marche dans le petit matin froid et blême, après avoir filé en douce sans réveiller mon ex qui ronflait, emmitouflé dans les couvertures. Les images, les sensations et les idées tournoient dans mon esprit épuisé, me donnant presque la nausée. Les yeux trop bleus de l'étalon. Les trois secondes de profonde douleur causées par son départ impromptu, écho d'un abandon plus ancien. La lutte acharnée et vaine que je mène contre la solitude et le vide. Je sens que je devrais mettre de l'ordre dans ce fouillis, décortiquer, analyser, réfléchir, tirer des conclusions. Mais pour l'instant, alors que je presse le pas sous le soleil blafard de décembre, la seule chose qui occupe mes pensées est encore un homme : Morphée.


7 décembre 2009

Jamais deux...

Ma bonne étoile me boude par les temps qui courent. En fait, elle m'a carrément prise en grippe. Ou alors, c'est mon karma qui me rattrape. À en juger par mes mésaventures sentimentales des dernières semaines, j'ai probablement été une sacrée salope dans une vie antérieure. Et là, je paie par ma solitude présente et les incessantes rebuffades qui la ponctuent pour les coeurs que j'ai brisés par le passé. Le pire, c'est que je n'ai même pas la prétention de chercher l'amour. Tout ce que je veux des gars que je rencontre, c'est du sexe et un peu d'affection. Et même ce dernier point est négociable. On pourrait croire que c'est quelque chose de plutôt facile à trouver pour une fille pas trop moche, modérément exigeante et assez hardie pour approcher les mâles sur la piste de danse après plusieurs vodka canneberge. Eh bien non ! Je peux maintenant le confirmer : je suis si malchanceuse en amour que même mes one night tournent au vinaigre ! Faut le faire...

L'ours empoté
Le premier acte de cette tragicomédie se déroule après une sortie passablement arrosée dans un bar de ma ville adorée. Je suis sur mon divan, un verre de porto à la main et je regarde ma prise de la soirée qui, un peu crispée, ne semble pas disposée à me sauter dessus comme elle devrait pourtant le faire. Je dépose donc ma coupe et enfourche l'homme, histoire de lui signifier qu'il est temps de passer aux choses sérieuses. C'est une tactique qui a fait ses preuves. Il se dégêne un peu, m'embrasse, promène ses mains sur mon corps. J'ouvre sa chemise et découvre avec délice que son torse est couvert d'une toison noire et abondante comme je les aime. Enchantée, je lui propose de continuer dans ma chambre, une offre aussi motivée par l'absence de rideaux dans mon salon qui donne une superbe vue à quiconque se balade dans la rue en face de mon immeuble.

L'action se poursuit donc sur mon lit. Et c'est à ce moment que la sauce commence à sérieusement se gâter. À plusieurs reprises, il cesse de m'embrasser, se recule et me regarde pendant quelques secondes, sans sourire. Je soutiens son regard, intriguée. Évidemment, je le questionne, le somme de me dire ce qui le tracasse. Il s'obstine à répondre que tout va bien. Nos ébats progressent tant bien que mal. Il n'est pas très adroit et sa notion des préliminaires se résume à un effleurement rapide de mon entrejambe. C'est à se demander s'il a déjà baisé dans sa vie. Mais nous sommes bientôt nus, et en prévision du clou du spectacle, je sors les condoms. À ma grande surprise, il en attrape un, le développe et l'enfile même s'il n'est manifestement pas dans l'état approprié. Après une tentative ratée, j'empoigne la chose afin de l'aider un peu... pour me rendre compte que ce gars a probablement l'une des plus petites bites qu'il m'ait malheureusement été donné de voir. À peine plus costaude et longue qu'un pouce. Incroyable. Je ne me laisse pas démonter pour autant et tente, par un savant mouvement de va-et-vient, de lui insuffler un peu de vigueur. Peine perdue puisque mon compagnon décide tout à coup d'abandonner complètement le projet. Comme j'ai bu, qu'il est tard et que je ne suis pas Don Quichotte pour me battre contre des moulins, je laisse aussi tomber. Il se sent un peu mal. Je lui dis de pas s'en faire, que ça peut arriver à tout le monde, dépose un petit baiser compatissant sur son front et éteins la lumière.

Le lendemain matin, je suis réveillée par des mains qui explorent fort maladroitement mes courbes. Leur manège dure quelques secondes à peine. Elles se retirent rapidement, sans doute découragées par mon manque de réaction. Pour ma défense, la gueule de bois se fait sentir et je n'ai pas trop envie de reprendre les hostilités, surtout avec un adversaire aussi peu habile. Après une heure de conversation sur l'oreiller qu'aucune étreinte n'est venue interrompre, le gars finit par se lever, par s'habiller et par s'en aller, non sans m'avoir auparavant demandé... mon numéro de téléphone. Devant mon étonnement et mon hésitation, il m'a finalement donné le sien, précisant toutefois que ce n'était pas grave si je ne le rappelais pas. On voit à quel point il tient à me revoir. N'importe quoi, vraiment.

Quelques minutes plus tard, je parle au téléphone avec Alexandra qui me raconte comment le gars qu'elle s'est ramené hier soir l'a baisée de tout bord et de tout côté. J'en suis presque malade de jalousie. Comble de l'ironie : Nathalie aussi a eu droit à un orgasme, même si son mec a également eu une petite défaillance technique. Décidemment, je suis la seule qui a joué de malchance. Mais bon. Une fois n'est pas coutume, que je me dis. Ma prochaine aventure d'un soir sera meilleure. Hélas, comme je me trompais !

L'étalon pénitent
Deux semaines plus tard, je suis dans un bar avec Alexandra et son prétendant du moment à boire de la bière blonde. Les deux tourtereaux s'embrassent et minaudent alors que j'observe la faune qui boit, qui discute et qui danse autour de moi. J'aimerais évidemment ramener un fringant spécimen chez moi, histoire de me reprendre pour mon dernier échec. Le mec de mon amie travaille d'ailleurs fort pour convaincre l'un de ses collègues de travail célibataires de se pointer. Après moults appels et messages textes, l'homme finit par arriver. Beau, grand, sympathique. Je ne sais pas ce que l'autre lui a dit, mais il est assez clair qu'il s'attend à passer la nuit avec moi. Quelques secondes après son arrivée, il me lance même un «alors, pas trop déçue ?» qui en dit long sur les raisons de sa présence. Comme il est presque trois heures et que l'autre duo commence à s'échauffer dangeurement, nous décidons de partir. Moins de 20 minutes plus tard, je suis de nouveau sur mon divan, mais cette fois avec un tout autre gars qui, je l'espère, saura enfin satisfaire les pulsions qui me tiraillent depuis un peu trop longtemps.

Affalée sur lui, je bois de l'eau dans l'espoir de diluer un peu l'alcool qui coule dans mes veines et me fait tourner la tête. Cherchant à faire la conversation, je lui demande à quand remonte sa dernière histoire d'amour. Il hésite un peu, bredouille qu'il ne devrait sans doute pas me dire ça puis m'avoue qu'il a une copine. Je me redresse aussitôt, choquée. «Mais qu'est-ce que tu fais ici alors ?» que je réplique, interloquée. Une discussion étrange fait suite à cet aveu candide durant laquelle je l'interroge davantage et où il admet que l'adultère est un mode de vie pour lui. Comme je suis saoule, je le confronte gentiment mais fermement, démolissant chacune des excuses qu'il sort sans grande conviction. Le pauvre gars ne s'attendait probablement à se faire psychanaliser en direct. Il ne se laisse néanmois pas impressionner et décide au bout d'un moment d'interrompre mon interrogatoire en plongeant ses immenses mains dans mon soutien-gorge et en m'embrassant, me faisant ainsi perdre tous mes moyens...

Au diable les grandes principes ! Nous nous retrouvons sur mon lit. Ce candidat est nettement plus doué que le précédent. Il a un excellent doigté, ce qui augure bien pour le reste. Et quand il se débarrasse de son boxer, je reste sans voix. C'est un roc ! C'est un pic ! C'est un cap ! Que dis-je, c'est un cap ? C'est une péninsule ! Et en plus d'en avoir la grosseur, il en a également la dureté ! Soucieuse de ne pas laisser filer cette chance, je saisis un condom et réalise par le fait même que nos ébats sont compromis. Peu habituée à rencontrer pareil appendice, je n'ai rien de décent pour le vêtir. Le gars tente toutefois le coup, coinçant le colosse dans une capote nettement trop petite pour lui. Alors que nous sommes sur le point de faire le grand plongeon, mon amant se rebiffe soudainement. Je ne sais pas si c'est le préservatif trop serré ou de brusques remords qui ont eu raison de ses intentions libidineuses, mais il saute hors du lit et annonce qu'il veut s'en aller parce que je n'ai pas l'air à l'aise. Il fait clairement de la projection.

En moins d'une minute, il est habillé alors que je suis toujours toute nue, complètement abasourdie par ce revirement inattendu. Mais la surprise cède rapidement la place à une sourde colère. Pour essayer de m'amadouer, il me dit que je suis la première à qui il avoue sa véritable situation, que d'habitude il reste muet et que les filles s'attachent à lui sans savoir qu'il n'est pas libre. Je l'assure que je ne développerai jamais de sentiment pour lui, ajoutant mentalement qu'il me serait totalement impossible d'aimer un pareil couillon. Il poursuit en me proposant de remettre ça à une autre fois. Je lui ris presque au visage, lui lançant qu'il n'y aura certainement pas d'autre fois. Comme il est sur le pas de la porte, je la referme brusquement, le poussant dehors, et la verrouille d'un coup sec. Dans le genre : dégage, connard.

Maintenant vêtue de mon pyjama, je tourne quelques instants dans mon appartement, comme une lionne en cage, me disant que ce n'est pas vrai, que je rêve, que je ne viens pas de vivre un deuxième one night raté en deux semaines. J'attrape mon téléphone, appelle Alexandra, tombe sur son répondeur et rugit mon mécontentement en lui résumant ce qui vient de m'arriver. Elle me rappelle quelques minutes plus tard. Elle n'en revient pas, elle non plus. Sur le coup, je suis convaincue que son mec était au courant que le bellâtre qu'il essayait de me refiler était en couple. Mais il jure que ce n'est qu'un collègue de travail et qu'il ne le connaît pas beaucoup. Après avoir déversé mon fiel pendant 15 minutes, je laisse les lapereaux à leurs ébats. Ma rage ne s'est toujours pas disssipée. Mais la nuit n'est pas encore terminée. Et elle me réserve encore des surprises, malgré l'heure plus que tardive...


26 novembre 2009

Des livres et des hommes

J'ai pour principe de ne jamais lire un livre qui ne me plaît pas. La vie est trop courte pour que je perde mon temps avec un bouquin qui ne me dit rien, surtout quand il en existe des millions d'autres susceptibles de m'intéresser. Dans la plupart des cas, un seul coup d'oeil à la première page suffit pour que je sache si ce sera le grand amour ou un flop total. S'il n'y a pas d'étincelle à cette étape, c'est peine perdue. Il m'est quand même arrivé de pousser un peu plus loin et j'avoue que, à quelques très rares occasions, ma persévérance m'a finalement permis d'apprécier une oeuvre qui me laissait de glace au départ. Mais c'est l'exception qui confirme la règle.

Je réalise aujourd'hui, après plus de trois ans de célibat, qu'il en va des hommes comme des livres : tout se joue dans les premiers instants. Pourtant, je me suis souvent obstinée à fréquenter des gars qui ne m'allumaient pas et qui n'étaient absolument pas mon genre. Un peu comme si je m'étais entêtée à lire un manuel de physique quantique, de mécanique automobile ou de macroéconomie alors que ces sujets n'ont aucun intérêt à mes yeux. Parfois, même le titre et la couverture ne m'inspiraient guère. Mais, profonde lassitude ou optimisme béat, j'ai poursuivi la lecture même si je savais pertinemment que jamais je ne me rendrais à la dernière page. Et, effectivement, au bout du premier chapitre, j'ai refermé l'ouvrage, déçue d'avoir cru que je finirais par tomber sous le charme.

Il est vrai que, contrairement aux livres, les hommes intéressants se font rares. Pour tout dire, je n'en ai rencontré aucun depuis le naufrage de ma dernière relation amoureuse. Ce qui explique sans doute pourquoi j'ai omis d'appliquer à mes prétendants la règle rigoureuse qui régit mes lectures. Si je l'avais fait, ma vie affective et sexuelle aurait été aussi palpitante que celle d'une soeur cloîtrée. Le plaisir solitaire a beau avoir ses vertus, il a aussi ses limites ! Et bien que je me sois récemment promis, après une série de déboires sentimentaux, de choisir mes amours avec le même soin que je choisis mes bouquins, je ne suis pas certaine d'y parvenir. En fait, j'ai l'impression d'être au milieu d'une immense bibliothèque : le livre pour moi est là, quelque part, au détour d'une tablette. Mais Dieu seul sait combien de romans mal écrits, de polars sans suspense, de contes érotiques ratés, d'histoires à dormir debout et de récits ennuyants je devrai encore me taper avant de tomber sur lui...

1 juillet 2009

Des filles et des citrons

« J'emménage dans mon nouveau duplex dans une semaine et je suis enceinte. »

J'ai beau avoir entendu ce genre de phrase avec toutes les variations possibles sur le même thème, j'en reste toujours pantoise quand une ancienne collègue de travail ou une connaissance croisée par hasard me la sort. Surtout à 8 h 22 un vendredi matin sur le quai du métro après un 5 à 7 mémorable et une trop courte nuit. Pourtant, je devrais être habituée. Depuis trois ans, les gens autour de moi n'arrêtent pas de se marier, de s'acheter des maisons et de se reproduire. C'est une véritable épidémie de lunes de miel, d'hypothèques communes et de marmots ! On dirait qu'ils ont attendu que ma vie sentimentale s'écroule pour aller de l'avant dans la leur. Je me suis rarement sentie aussi déphasée par rapport à mes semblables, ce qui me donne régulièrement l'impression d'être une extraterreste ou la victime d'une sombre malédiction.

Évidemment, je félicite cette autre heureuse élue du bonheur conjugal et lui pose moult questions au sujet de son nouveau nid et de son oisillon, espérant ainsi éviter que la conversation ne tombe sur ma propre existence et ne m'oblige à trouver quelque chose de décent à raconter. Malheureusement, après plusieurs minutes de roucoulements extatiques sur les joies de la propriété et de la maternité, mon interlocutrice finit par me retourner la politesse, s'enquérant des derniers faits saillants de ma vie. Eh merde. Une légère nausée, à laquelle les six pintes de bière et les deux vodka canneberge de la veille ne sont peut-être pas étrangers, me noue soudainement l'estomac. Alors que le métro fait bruyamment son entrée dans la station, les images et les idées se bousculent dans mon esprit embrumé en quête d'un événement ou d'une anecdote quelconque pouvant satisfaire la curiosité de la future maman épanouie plantée devant moi sans miner à jamais ma crédibilité.

Car, pour une célibataire trentenaire et sans enfant, parler de son quotidien à des personnes qui ne font pas partie de son cercle d'intimes peut se révéler une expérience assez périlleuse. À moins d'avoir un nouveau boulot, un projet de voyage, un spectacle de chorale, un tournoi de badminton ou toute autre nouvelle neutre et banale prête à servir, l'honnêteté n'est certainement pas de mise. J'imagine la tête que feraient les gens si je répondais la stricte vérité quand ils m'interrogent sur ma vie : « Quoi de neuf ? Eh bien, je viens de passer les dernières heures à baiser avec un champion de judo rencontré au cours de mon 5@7 hebdomadaire et qui avait l'une des plus belles queues qui m'ait été donné de voir dans ma carrière. Longue, mais pas trop. Juste assez costaude. Admirablement résistante. Un rêve ! » ou encore « La semaine passée, j'étais tellement soûle quand je suis sortie du bar à 3 h du matin que j'ai vomi sur le doorman qui était venu me dire de descendre du banc et d'arrêter de chanter. Je pense que je ne pourrai pas retourner là de sitôt ! En tout cas, les concours de shooters et moi, c'est teeeerrrrminé ! » Idéal pour se faire une réputation de nymphomane alcoolique.

D'aucuns trouveront, et particulièrement ma maman, que se vautrer ainsi dans la débauche à un âge aussi respectable est une façon bien futile d'occuper son temps et un signe flagrant d'immaturité. Et c'est vrai que le célibat s'apparente beaucoup à l'adolescence... avec l'argent en plus et la surveillance parentale en moins. Pas d'amoureux à chouchouter, pas de maison à payer et à entretenir, pas d'enfants à dorloter. Me, myself and I dans un joli trois et demi abordable et avantageusement situé près de tous les plaisirs citadins dont je peux pleinement profiter grâce à mon horaire très, très, très flexible. Comme situation, on a vu pire. Malgré tout, j'admets que je n'ai pas plus grand désir que de trouver un homme bien pour aller grossir les rangs des couples qui assurent la pérennité de l'industrie immobilière et de l'espèce. Le seul problème, c'est que toutes mes tentatives dans le domaine ont jusqu'ici douloureusement échoué. Alors, qui pourra me reprocher de profiter de cette insouciante liberté plutôt que de m'apitoyer sur mon sort de pestiférée de l'amour ? « Quand la vie vous donne des citrons, faites de la limonade », disent les Anglais. Et je dirais même plus : « Rajoutez-y de la vodka, c'est encore meilleur ! »